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Quelles conditions pour penser la fonction critique de la justice constitutionnelle ? Regard français et comparé

Dernière mise à jour : 16 déc. 2024

Rapport de la conférence CEDIDAC du mardi 26 novembre 2024


Il s’agit d’un bref rapport d’une conférence organisée par le Centre du droit de l'entreprise

de l'Université de Lausanne (CEDIDAC).


Laureline Fontaine est professeure à la Sorbonne Nouvelle, où elle enseigne un cours

d’introduction au droit. Elle a publié en 2023, La Constitution maltraitée : l’anatomie du

Conseil constitutionnel, dans lequel elle soulève les absurdités du Conseil

constitutionnel français. Cet ouvrage a fait passablement de bruit, surtout parmi les

politiciens affublés d’avarice, d’incompétence et d’une absence totale de principes.


Reprenant ce qu’elle a pu dire dans son livre, elle développe son analyse de la justice

constitutionnelle étayée par des exemples majoritairement issus du système français.

Reprenant le contenu de son livre, Professeure Laureline Fontaine a démontré de

nombreuses instances où le Conseil constitutionnel français faisait défaut aux principes

doctrinaux, juridiques et politiques sur lesquels le constituant pouvait fonder ses

attentes, c’est-à-dire d’observer les limites du législateur fixées par la Constitution. Elle

analyse la faillibilité de la justice constitutionnelle selon que celle-ci remplit son rôle de

fonction critique en réaffirmant les limites établies par la Constitution. La justice

constitutionnelle met en œuvre sa fonction critique si elle est établie et fonctionne de

manière rigoureuse et conforme à son but et si elle est composée de membres

indépendants.

Concernant le dysfonctionnement de l’organe, elle compare les États-Unis et la Suisse à la France et la manière dont ces trois pays choisissent les juges de la plus haute instance. Bien que l’idée de fond soit de comparer la manière d’attribuer la fonction judiciaire avec la plus haute responsabilité dans différentes traditions politiques et juridiques, la comparaison ne semble pas appropriée : la Cour suprême américaine et le Tribunal

fédéral ne remettent pas en question le pouvoir du législateur mais confirment ou

infirment si un acte ou une décision est conforme à la volonté du constituant. Passons cela, elle souligne qu’aux États-Unis et en Suisse, sans que cela soit écrit, on élit des juges suprêmes ou fédéraux ayant eu une carrière de juristes voire de juges, de sorte qu’indépendamment des enjeux politiques ce sont tout de même des personnes expérimentées ou suffisamment qualifiées. Alors qu’en France… Eh bien en France, il a été établi selon le principe de pluralisme qu’il est préférable d’avoir une diversité entre juristes et non-juristes parmi les membres du Conseil constitutionnel, cependant, il n’y a actuellement aucun juriste expérimenté. Elle cite notamment une anecdote effroyable d’un ancien Premier ministre invoquant le droit à l’oubli à propos de ses connaissances en droit constitutionnel et qui, tentant de se rattraper, dévoile à chaque lettre un peu plus son incompétence sidérale.


L’autre principe attendu selon la doctrine est celui de l’indépendance, qui selon elle doit

comprendre à la fois l’indépendance statutaire, garantie par l’État, et à la fois la

disposition des conseillers à être indépendants. La première selon l’auteur n’existe pas,

aucun État ne prévoit de dispositions suffisamment rigoureuses pour garantir

l’indépendance des juges de leurs plus hautes instances : les mandats peuvent être trop

courts ou les dispositions peuvent manquer de moyen efficace pour récuser un juge s’il y

a un risque de conflit d’intérêt. La seconde concerne surtout les considérations que l’on

peut déduire individuellement de l’expérience du juge. Elle cite trois exemples français de défaillance systémique du droit à la récusation. Notamment celui de Jacqueline

Gourault, ancienne ministre de l’Intérieur, qui durant son mandat soutenait une loi

contenant une disposition interdisant aux associations créées au motif de la protection

de l’environnement depuis moins d’un an de se constituer partie plaignante pour

contester l’aménagement et la construction d’immeubles. Plusieurs associations ont

saisi le Conseil constitutionnel et ont demandé la censure de ces dispositions. C’est alors

que Jacqueline Gourault débarque au Conseil constitutionnel : elle est nommée membre

du Conseil et va se positionner contre la censure de ces dispositions, et le tout après que

le délai pour demander la récusation des conseillers se soit écoulé. Encore plus ridicule,

mais c’est un problème de notre temps, cette affaire a été soumise au contrôle du comité d’Aarhus, l’irrégularité de la procédure viole en effet les exigences d’impartialité et d’indépendance des autorités fixés par la convention d’Aarhus. C’est par le biais d’une

convention sur le climat que le gouvernement Français va peut-être être sanctionné pour

les carences du Conseil Constitutionnel.


Cette conférence montre une certaine dissonance entre les attentes sur lesquelles sont

fondées les institutions françaises et leur fonctionnement réel. Ce qui n’est pas une

grande surprise, mais cela nous fait apprécier un système comme le nôtre où la volonté

du constituant ne passe pas par d’innombrables degrés d’électivité. En effet l’approche

suisse et française en matière de contrôle de la constitutionnalité des lois n’ont rien à voir,

la première renvoie cette décision au peuple et la seconde la renvoie à un groupe de

personnes choisi par des groupes de personnes choisis par le peuple. Professeure

Laureline Fontaine a donc mis de côté l’aspect dit du « droit comparé » : l’ensemble de ce qui a été dit ne se rapporte qu’au système français, et ce qui relève de systèmes étrangers sert surtout à mettre à l’épreuve la justice constitutionnelle française.


Hadrien Sauerwein

Le vendredi 13 décembre 2024

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